Mon travail a commencé en 1995, lorsque j’entrepris un travail photographique à partir de collectes effectuées dans l’environnement, là où j'habite, en Charente.

Des mousses, mais aussi des lichens dont je ne soupçonnais pas l’importance qu’ils auraient pour moi.
Je compris plus tard ce qu’ils représentaient dans la phylogénétique du vivant, sans pour cela avoir de réponses aux questions que je me posais.
Le lichen résulte d’une association symbiotique entre une algue et un champignon. Désigné pourtant comme un individu (indivisible), la symbiose du lichen, ici, n’est pas fusion, mais bien échange mutuel, stable et équilibré dans une réciprocité, entre deux individus. Cette association constitue une autre entité, un autre individu qui n’est ni l’algue, ni le champignon, mais un entre-deux, le lichen.
Pour autant, peut-on dire d’un individu qu’il ait deux génotypes de son vivant ? Et où se situe l’individu dans le cas du lichen ?


Voici les questions qui se sont posées à moi et qui m’ont amené à effectuer des recherches, à rencontrer nombre de scientifiques, naturalistes et lichenologues, constituant l’objet/sujet de ma démarche artistique.
Celle-ci questionne profondément les processus de feedback et de réciprocité, ceux du vivant dans diverses formes, qui vont de la botanique aux sciences cognitives et qui interrogent l’individu et le collectif.

Pascale Gadon Gonzalez, La Vergne, 2012

 

 

A la fois local et global, le lichen se donne présent aux regards des lieux qu'il habite.

L'un est multiple et le multiple se singularise en une entité d'archétypes bien vivants. Il laisse trace.

Entre conjonction et réciprocité, on le retrouve au bout à bout de ce qui est.

C'est pourquoi j'ai choisi d'en parler.

Pascale Gadon Gonzalez, La Vergne, Avril 2014

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Symbiogenèse à inoculer

 

Le "co" est dans l'air, il ne peut exister qu'en dehors de nous même, impalpable, indomptable, il se commet par la force d'une vie doublée de présence.

Et si l'interdépendance était aussi importante que la sélection ?

Le dedans, le dehors, l'un, l'autre, que joue la limite ? Elle échange le principe d'un pourquoi et d'un comment sans réponse.

Mais qu'en savons-nous, nous qui sans cesse comptons ? Si petit, on en reste petit pour laisser la place, laisser une place à l'autre.

Le mystère des lichens nous enseigne la dégénérescence de soi face aux autres. Générer est ailleurs, les lichens, les bactéries vont et viennent, de l'aube de la vie à nos jours, ils se jouent de nous. Saurons-nous les comprendre sans compter ?

Là se trouve la symbiose, reflet d'une présence qui reste à découvrir. 1 + 1 = 1 ou 1 + 1 = 3 sont un même principe d'une liberté jamais acquise.

Si loin sont les chiffres, les nombres et autres méthodes de différenciation, pourquoi ne pas se contenter de l'être là, sans limite, d'une présence partagée et non projetée.

Regarder les lichens nous apprend l'être d'une présence à l'autre.

Il faut ré-apprendre à jouer.

Pascale Gadon, La Vergne, Février 2005

 
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Prochaine exposition au Centre d’art contemporain CHABRAM² - Touzac, en Charente - Du 19 septembre au 26 octobre 2020

« Par nature », La rencontre

Pascale Gadon-Gonzalez, La Vergne, le 26 février 2020

Art et science ont en commun d’exprimer la tension entre la représentation et la réalité.

L’art comme la nature matérialise la forme.

Entre art et biologie, la prochaine exposition « Par nature » vous propose un cheminement dans le vivant, entre faits et fictions, une plongée dans les microcosmes des sous-bois.

La biodiversité n'est pas seulement faite de différences, elle s'anime surtout de relations.

Les forêts, les arbres, abritent des modes de vies qui nous interrogent, des organismes y vivent en symbiose avec d'autres et tissent de nouveaux réseaux de vies, comme si l’interdépendance devenait plus forte que la sélection.

Ces corps ouverts à la rencontre, ces entre-deux structurent de nouvelles entités vivantes, qui nous interpellent, car elles bousculent nos à priori sur le vivant.

La notion d'individu a toujours été pensée comme close, délimitée, pourtant maints exemples nous montrent autre chose, une situation relationnelle où l'individu n'est plus au centre, mais “entre”. Un entre-deux dont les échanges réciproques génèrent une autre entité, un autre « individu », comme dans le cas des lichens.

Ces interrelations font émerger de nouveaux modes de vies, transverses, de nouveaux corps qui ne sont issus ni d'une reproduction sexuée, ni d'un clonage, mais d'une symbiose.

L'arbre phylogénétique représentant le vivant n'est donc plus un arbre mais plutôt un buisson, un réseau de connexion, comme l'ont montré de nombreux généticiens.


Alors j'ai envie de renverser la question, pour nous demander, qu'est ce qui dans la nature, compose l'individu ? Est-ce sa forme, son ADN, ou les interrelations qui le précèdent ?

La rencontre est-elle individu ?

Car au fond, c'est certainement ce que l'on pourrait dire du lichen, cet entre-deux constitué d'une algue et d'un champignon, qui dans un échange réciproque et symbiotique, structure un autre « être », une autre forme qui n'est ni algue, ni champignon, mais un lichen.

Les récentes découvertes en génétiques montrent que nous serions constitués de plus d'ADN extérieur à nous même (bactéries) que de notre propre ADN. Alors où se situe l'individu qui nous constitue ?

Nous découvrons que là ou nous pensions l'un, il y a plusieurs.

Les interrelations à l'origine de la vie biologique, celles dont nos corps sont issus, celles qui nous constituent, comme celles qui nous environnent, sont indissociables.

Ainsi les réciprocités conditionnent souvent les équilibres.


Entre faits et fictions, entre microcosme et macrocosme, « Par nature » propose d'explorer ces notions aux travers d'images photographiques, de situations à vivre ou de dispositifs à expérimenter.